Publiée le par Henri-Pierre PISANI

Nous aurions pu garder pour nous le souvenir de ces 3 jours magiques à côtoyer le grand Nord , les
steppes mongoles balayées par les vents et à marcher sur le chemin rendu célèbre par un coquillage (
ou l’inverse) qui n’avait pas de nom avant qu’un des apôtres le prenne comme emblème officiel . Il
est tout de même intéressant de souligner que ce n’est qu’en 1492 que le pape Alexandre VI déclare
Saint Jacques de Compostelle comme lieu d’un des 3 grands pèlerinages de la chrétienté.
Non, selon la tradition, si chère à Rando d’abord , qui d’ailleurs aurait pu s’appeler « les copains
d’abord » en hommage à Georges , nous avons préféré partager .
Le 7 février de cette année là, 6 pèlerins et 4 pèlerines avaient vaillamment décidé d’affronter une
météo si incertaine que même le plus élégant d’entre nous s’était muni d’une chapka pour se
protéger du froid sibérien annoncé.
Les plus avisés étaient venus la veille . Il faut dire que l’aligot et la viande de la maison Bastide est à
l’Aubrac ce que Saran est à Toulouse , sans les prix astronomiques.
Rendez vous était donné place du foirail et son célèbre taureau à Laguiole ( que certains prononcent
la-yole ) , petite ville que la justice française n’a pas considéré suffisamment célèbre pour que son
nom soit protégé contre un dépôt de marque . Contrairement à « champagne » que seuls les
vignerons de champagne peuvent utiliser.
Pour un rendez vous donné à 9h45, la voiture de Christophe et son trio arriva très exactement à 9h18
. Nous avons le choix entre grande prudence ou erreur de calcul. Le mystère restera entier.
L’ouverture des portes fut suivie d’une fermeture rapide, le vent glacial nous surprenant, aucune
oriflamme ne nous ayant permis d’en mesurer la force.
Heureusement qu’un bar tabac nous tendait les bras pour attendre le reste des raquetteurs. Nous
priment café et chocolat chaud tout en observant la faune locale réunie autour du comptoir.
Une horde de 7 personnes très emmitouflées fit alors irruption dans le bar. La tenancière,
sympathique et souriante, imaginait déjà une hausse substantielle de son chiffre d’affaires. Mais
aucun des mécréants ne consenti à prendre une consommation, trop repus qu’ils étaient par la
maison bastide. Je cherchai à consoler Martine d’un « nous reviendrons après la rando ». Elle nous
attend toujours.
Pour ne pas déroger à une tradition dont on ne connait pas l’origine, je fus invité à caresser les
coucougnettes du susdit taureau, opération sensée apporter bonheur, en particulier fécondité pour
les jeunes dames . Mon allégeance de bon aloi me valut quelques remarques goguenardes des males
réunis autour du symbole de la race Aubrac.
C’est un parcours de 14 km et 501m de dénivelé qui nous attendait, alternant chemins en rase
campagne le long de murets de pierres ( à 1300 mètres environ pour une altitude du centre du
village à 1000 mètres) chemins en sous bois légèrement enneigés qui nous permirent d’être
temporairement abrités du vent violent . Jolis paysages vallonnés. Belles éclaircies. Piquenique
bienvenu, accompagné au dessert du désormais traditionnel excellent calva gracieusement offert par
notre ami établi au pays des descendants de vikings.
Le retour au taureau fut le théâtre d’un dilemme cornélien : allions nous pousser jusqu’à une cascade
ou non . Certains hésitaient à solliciter les articulations 4km de plus. In fine, le groupe tout entier se
déplaça jusqu’à une improbable cascade coulant à travers le granite du socle de l’Aubrac .
Pour information, il y a 7 à 8 millions d’années un épisode volcanique a façonné l’Aubrac , une épine
dorsale basaltique ( roche de composition si compliquée que j’en tairai les noms) de 30 km de long
du nord ouest au sud est s’est formée. Un relief volcanique bien différent des monts d’Auvergne, la
lave s’étant lentement écoulée à travers les failles. Parfois le refroidissement rapide de la lave a
donné des formes de prismes , les orgues basaltiques ( cascade de Déroc par exemple ) .
Retour aux voitures sans encombre et départ pour Nasbinals à 28 km à l’Hôtel Bastide , 3 étoiles ,
chambres spacieuses et salles de bain modernes. Le restaurant, de la même famille est à 800 mètres
que la majorité rejoint à pied , au centre du village. L’Hôtelier, Bernard Bastide, maire du village ,
veille sur les entrées et prépare les prochaines élections en gratifiant chacun d’un sourire
bonhomme. Ses filles servent au restaurant avec parfois un dynamisme et une autorité qui a pu étre
mal perçue par certains clients qui se sont courageusement vengés par des avis peu amènes sur
google maps.
Le repas du soir, servi à l’heure des papis, 19h , heure de fin des chiffres et des lettres , a laissé une
énigme : qui a commandé la 4eme bouteille de Marcillac vieille vigne , alors que la 3 eme ,
commandée par Bernard , mais réceptionnée à l’autre bout de la table, n’était pas vide . Certains
firent preuve d’esprit collectif pour équilibrer le niveau des 2 bouteilles. Bons fromages locaux et
desserts achevèrent de nous rassasier plus que de raison après feuilletés aux champignons ou soupe,
aligot à volonté qui eut raison de la volonté des plus gourmands, gouteux morceaux de poulets
cuisinés avec grand art mais simplicité. Toutes ces douceurs annihilèrent la fatigue qui pouvait se lire
sur les visages à la fin de la rando , dont le coupable avait pour nom la bise , rendue célèbre par un
certain Jean .
L’adepte du décaféiné décida d’accompagner quelques infusions digestives et dormissives avant le
retour à l’hôtel.
La soirée se termina par une folle partie de « 6 qui prend » , à 4 joueurs. Le nom de la gagnante ne
sera pas devoilé.
Chacun partit se coucher en priant que les prévisions météo se réalisent, ne rendant pas inutile la
location des raquettes.
Samedi matin , 7h30, ouverture des volets , grand plaisir de voir la couche de neige conséquente
tombée la nuit et la fin du vent violent. Selon les avis, entre 15 et 20 cm.
Petit déjeuner copieux, rendez vous à 9h30 pour le chaussage des raquettes. Retour au restaurant
pour y retirer les mega sandwichs commandés la veille ( mais le passage d’info dans la famille Bastide
laissant à désirer nous dument attendre leur confection). Puis départ direct depuis Nasbinals pour
une boucle dont seule Jacqueline et parfois Henry Pierre maitrisent les détails, avec possibilité
d’adaptation et de changements, sans possibilité de se faire rembourser. Parcours dans des paysages
féériques sur le plateau entre Nasbinals et Aubrac. L’usage des raquettes ne posa de problème à
personne et seules quelques rares chutes sans conséquences ne méritent pas mention. L’esprit
enfantin de certains les incita à taper sur les branches pour maculer leur prédécesseur de neige
fraiche. Quelques boules de neige atterrirent parfois sur les vestes mais très souvent hors de leur
cible. Un cours de lancer sera proposé pour préparer la prochaine saison. Pour tout renseignement
s’adresser à Christophe.
De nombreux arrêts photo ponctuèrent la ballade créant parfois des ralentissements mais l’heure
n’était pas à la performance sportive. Quand il fallu trouver un endroit où poser nos nobles fessiers ,
la providence ou plutôt la prévoyance légendaire du couple HPJ nous fit passer devant la station de
ski « le fer à cheval » où nous fumes accueillis dans un local chauffé qui nous permit de faire sécher à
la fois nos peaux en sueur et les vêtements qui l’avaient absorbée. 10 cafés achevèrent de nous
préparer pour un redémarrage en douceur , sachant qu’à rando d’abord le mot sieste est un gros
mot sauf en présence de Mehdi , où elle prend alors le nom de relaxation.
Les GR ne tolèrent pas le passage d’animaux chien chats ânes chevaux etc, seuls les bipèdes sont
tolérés . Il s’en suit des passages très étroits entre les différentes pâtures.
Il est à souligner que même la plus pessimiste d’entre nous ne s’est jamais plainte plus que de raison.
Nous avons cherché en vain des traces de rennes du père Noel mais avons vu beaucoup de traces de
dahut ( Darou pour les vosgiens) et occasionnellement de lapin.
Journée bien ensoleillée qui se termine vers 16h pour que chacun puisse prendre une douche chaude
et visiter l’épicerie multicarte du village , en espérant y acheter des produits locaux.
Mais l’occupation de fin d’après midi fut un match du tournoi des 6 nations en vue de gagner le
grand chelem, regardé au bar Bastide. Nicole a fait une animation d’enfer au point que nos voisins
ont commencé à invectiver les chauvins toulousains que nous étions. La défaite, légèrement méritée,
ne nous a pas empêchés d’aller festoyer gaiement. Un spectateur avisé a tout de même fait
remarquer que tous les joueurs du XV de France avait le même prénom , Altrad, affiché sur le devant
du tee shirt , ce qui lui a paru suspect. Son hypothèse est que leurs mères avaient peut être regardé
la même série télévisée.
Arrivés à table, le mystère de la veille n’étant pas résolu (voir ci-dessus) se posa la question de la
quantité de bouteilles à commander sachant que Bernard ne voulait plus boire ,sauf 2 demi verres (
de 10 ou 25 cl , il ne le mentionna pas) et que la serveuse avait quelques magnum à caser qui nous
feraient économiser 2 euros . L’auvergnat/aveyronnais de la tablée décida à son unanimité qu’un
magnum suffirait. Et il eu raison. Potage ou tartelettes aux fruits de mer, suivi d’un gouteux civet de
sanglier accompagné de ratatouille plus quelques frites négociées finement par on-ne-sait-plus-qui ,
tartelettes aux pommes/ boule de glace et nous voilà à nouveau rassasiés comme des chapons
quelques jours avant les fêtes. Seule ombre à cette soirée, l’absence de notre lumineuse Fetta ,
qu’un virus grippal malin avait décidé de visiter dans l’après midi. Ce qui n’empêcha pas Didier de
venir représenter le couple au repas.
Retour à l’hôtel et à nouveau une partie de « 6 qui prend » pour quelques uns d’entre nous.
Dimanche matin, pas de nouvelle chute de neige , température avoisinant zéro . Les bagages furent
fait, mis dans les voitures et départ pour une nouvelle ballade en raquettes, à effectif amputé de 3.
Toujours aussi beau temps, parfois légèrement voilé. Une impression de mer bleutée à l’horizon.
Petite montée dans un sous bois qu’une clôture a failli nous interdire mais que l’opiniâtreté et la
détermination de tous nous ont fait franchir avec élégance, si on fait abstraction des génuflexions et
contorsions nécessaires pour la franchir. Une nouvelle cascade improbable nous attendait en fin de
matinée, à coté de laquelle nous piqueniquâmes, sur les rares roches disponibles, les bancs
escomptés ayant disparus. Retour aux voitures pour une rentrée, qui dans sa campagne, qui dans sa
ville.
Rendez vous fut pris pour l’année prochaine avec une même météo commandée, avec les mêmes
organisateurs qui , comme à leur habitude, excellèrent dans la gestion globale et occasionnelle des
imprévus. Et merci aux participants qui furent d’un avis unanime ravis de ce week-end en Aubrac.